Cas de coaching : restitution d’une séance

Je choisi de vous restituer la 3ème séance de coaching d’Élise (la séance a duré 2 heures). Il m’a semblé difficile de vous restituer toute la séance car je ne fonctionne pas avec enregistrement. Néanmoins, je vous en livre ici les instants d’échanges qui ont permis d’avancer.

Élise a souhaité débuter ses séances de coaching, indépendamment de son entreprise (Administration Publique spécialisée dans les projets d’urbanismes). Cadre dans cette administration, elle gère une équipe d’une quinzaine de personnes. Élise a été arrêtée pour Burn-Out de Mai 2020 à Octobre 2020. Elle est aujourd’hui en mi-temps thérapeutique.

Son coaching a débuté en Janvier 2020, 3 mois après la fin de son arrêt maladie. Elle a suivi une psychothérapie durant 6 mois avant sa reprise du travail. Élise a souhaité initier un Coaching car, après 3 mois de reprise, elle se sentait de nouveau chargée et fatiguée.

À ma question :

COACH

« Qu’attendez-vous de ce Coaching Élise ? »

Elle me répond sans hésitation :

ÉLISE

« Savoir dire NON en milieu professionnel. »

Ainsi, était la demande OFFICIELLE d’Élise.

La première et la deuxième séance d’Élise m’avaient permise d’entendre l’histoire d’Élise et de commencer à la cerner, bien sûr je tâchais la neutralité et le recul nécessaire mais aussi d’être la plus possible en écoute active. Élise, fille unique, était une élève studieuse dont les parents investissaient financièrement sans compter pour sa réussite. « Je n’arrêtais jamais. Je pratiquais la danse classique plusieurs fois par semaine. Je faisais des concours et même des pointes ! Mes parents m’ont inscrite à des cours de piano chaque semaine le mercredi. » me confie-t- elle pensive doucement… pour ajouter « et… je faisais du tennis… jusqu’à mes 20 ans. » Ajoute-t’elle en regardant en roulant des yeux… en plissant la bouche.

COACH

« Vous pratiquiez le tennis également ? »

ÉLISE

« Oui et je n’aimais pas ça et pourtant j’en ai fait longtemps. »

COACH

« Pourquoi ne pas avoir arrêter plus tôt ? »

ÉLISE

« Je n’aurais jamais osé dire à mes parents que je voulais arrêter car je n’aimais pas ça. Mon père aurait été si déçu. Aujourd’hui, parfois je me demande si je n’aurais pas dû lui en parler. »

COACH

« Lui ? A votre père ? »

ÉLISE

« Oui, à mon père. »

Je ne me suis alors pas trop attardée sur l’enfance puisque le coaching mené est professionnel (et qu’Élise était suivi en thérapie par ailleurs) mais quelques confidences comme celles-ci m’ont permises de tirer certains fils dans le cadre des séances suivantes.

Au cours de la deuxième séance, Élise me fait part avoir toujours intégrer des entreprises « d’HOMMES », soulignant que sa spécialité est l’étude de projet d’urbanisme. Elle m’avoue avoir poursuivi ses études dans des sections où elle était la seule femme, m’avouant :

« Je voulais montrer à mon père que je pouvais y arriver. Je n’avais pas la possibilité d’échouer. Il aurait été trop déçu. »

« Au cours de mes expériences professionnelles, j’étais constamment entourée d’Hommes et j’ai toujours fais le nécessaire pour avoir de « la poigne ». »

« C’était important pour moi de montrer que j’avais ma place et que j’étais forte. »

Pour la troisième séance, après avoir accueilli ma Coachée et « pris la température », je rappelle à ma Coachée la demande initiale et l’objectif du coaching, ce que nous avons parcouru au cours de la dernière séance et lui demande quel évènement ou sujet elle souhaite aborder au cours de la présente séance, dans le respect du contrat initial. Elle me fait part d’un évènement qui l’a « beaucoup agacée le jeudi soir de la semaine passée. »

Ainsi, elle me livre, la voix un peu tremblante, la bouche pincée en « tripotant » un crayon à papier qui se trouvait sur la table, que, avant de partir en week-end de 3 jours, une collègue Directrice d’un pôle projet (son binôme) lui a confiée jeudi soir un dossier urgent à traiter en lui indiquant qu’elle ne pouvait pas le traiter elle-même puisqu’elle était le soir même en week-end, qu’elle devait partir mais que ce dossier devait être traité pour être remis à la Direction Générale rapidement.

Élise m’informe que cela lui a ajouté une charge de travail supplémentaire à traiter avant lundi et qu’elle a dû « une fois de plus » travailler tard le vendredi et travailler le week- end, pour remettre son dossier complet par mail avant lundi matin. Je choisis de ne pas rebondir sur le « une fois de plus », qui me questionnait déjà beaucoup…

Après l’avoir écouté, je lui demande ce qu’elle ressent en me racontant cet évènement. Élise m’explique qu’elle se sent « énervée ». Elle m’indique en sus (ce que j’avais constaté en l’observant) qu’en me racontant cet évènement elle se sent encore plus « énervée ».

J’ai laissé un temps de silence car je la sentais réfléchir…

Elle a repris la parole pour me confier :

ÉLISE

« Et puis le fait de vous dire que je suis énervée de la situation me met mal à l’aise pour ma collègue. Je m’en veux de penser cela. Elle n’a pas fait à mal. Je suis son binôme. C’est normal qu’elle me confie ce dossier s’il n’est pas traité mais je suis énervée quand même ! »

… (silence)

« Oui c’est ça, je me sens mal. Ce n’est pas bien ce que je pense, j’ai l’impression de la critiquer et je ne suis pas comme cela. Elle me faisait confiance. Je suis partagée mais énerve. »

COACH

« Dans la situation que vous venez de me raconter, qu’est-ce qui vous « énervée » à ce point ? »

ÉLISE

« Je me suis retrouvée à travailler tard le vendredi et à travailler le lundi. »

Élise commence à m’expliquer que son époux était mécontent de cette charge de travail, que cela est normal puisqu’elle « était censée être à mi-temps thérapeutique » et qu’elle aussi elle avait droit à son week-end.
Puis elle ajoute :

ÉLISE

« Ce qui me contrarie, c’est que ma collègue m’a confiée ce dossier en me disant : « désolée de te le donner si tard mais j’ai ma fille à récupérer chez la nourrice et ensuite nous filons tous les 3 en week-end… »

Silence… la voix tremblante, elle ajoute :

« Moi aussi, j’ai une vie de famille, vous comprenez. Moi aussi, j’étais censée ne pas travailler le lendemain car je suis en mi-temps. Je crois qu’elle pense que je ne vis que pour mon travail. Mais j’ai tellement envie d’arriver à ne pas travailler le week-end et à passer du temps avec mon mari. Mais… à mon niveau de responsabilité, je ne peux pas refuser, c’est impossible. »

COACH

« Pourquoi c’est impossible Élise ? »

ÉLISE

« J’occupe un poste important dans cette administration. Sans ce dossier, mon Directeur ne pouvait pas avancer. Il aurait pensé que je n’avais pas réussi à gérer ce dossier. »

COACH

« C’est à dire ? »

ÉLISE

« Comme un échec. »

Silence…

« Oui c’est ça, ça aurait été un échec. »

COACH

« Qui aurait pensé que c’était un échec ? »

ÉLISE

« Mon Directeur. »

COACH

« Quel effet cela aurait eu sur vous ? »

ÉLISE

« Je ne pourrait pas le supporter. J’ai travaillé si dur pour en arriver là. Je n’ai jamais eu de remarque sur mon investissement et sur la qualité de mon travail. Je suis professionnelle et qu’il peut compter sur moi. Que voulez-vous, je n’allais pas laisser le dossier comme ça. Mon Directeur attendait l’étude, c’était un dossier urgent. Et ma collègue ne m’avait remis le dossier que le jeudi. J’étais obligée de travailler le week-end. Mais je reviens d’absence maladie longue durée pour Burn-Out et je ne devrais travailler qu’en temps partiel ! »

Je sens que nous tournons en boucle…

COACH

« Quelle était l’échéance fixée par votre Directeur ? »

ÉLISE

« Je n’avais pas d’échéance. »

Long silence (1 minute environ)

« Et je ne m’en rend compte que maintenant. Je n’avais pas d’échéance. »

Élise me retrace pendant un certain temps les grandes lignes de son parcours au sein de cette administration (qu’elle m’avait déjà raconté lors d’une précédente séance mais je sens que cela lui permet d’évacuer les émotions). Quand elle en vient à me parler de l’équipe, je me permets de recentrer l’entretien.

COACH

« Élise, si vous me le permettez, je souhaiterais que vous puissiez m’éclairer sur l’organisation de votre Administration et plus particulièrement sur votre équipe. »

ÉLISE

« Naturellement. N’hésitez pas. »

COACH

« Vous êtes en charge de votre équipe depuis combien de temps ? »

ÉLISE

« Un peu plus de 3 ans. J’ai une dizaine de personnes dans mon équipe. Je suis contente, l’équipe est soudée. Certains sont juniors et d’autres seniors. Vraiment, c’est une belle équipe. Parfois, la Direction est dure avec elle mais je veille à ce qu’ils se sentent en confiance et protégés avec moi. »

Silence…

Finalement, je reprends la parole car je sens qu’Élise me regarde et attend quelque chose… et le temps est long…

COACH

« Pourquoi ne pas avoir choisi de déléguer votre dossier à votre équipe ? »

ÉLISE

« Ils n’auraient pas eu le temps de la traiter. Je ne suis pas certaine que quelqu’un aurait pu le faire à ma place. Ils n’ont pas l’expertise. Ils avaient déjà beaucoup de charge. Cela n’était pas possible. D’ailleurs, je leur en ai parlé au cours de ma réunion hebdomadaire… ce n’était pas possible. »

« En fait, je me mélange… non… la réunion hebdomadaire était avant. Je n’ai pas pu leur en parler. Mais je répartis la charge de travail et donc c’était impossible. De toute façon, ce qui est sûr : c’est qu’aucun n’a cette expertise et je n’allais pas leur en rajouter pour qu’ils terminent tard le soir… »

« Peut-être que quelqu’un aurait pu m’aider c’est vrai. Vous avez raison. »

Réflexion personnelle : « Arfffff, je l’ai influencée sans m’en rendre compte… erreur. Je tâche de rectifier le tir. »

COACH

« Élise, je ne dis pas cela. Je ne vous ai rien conseillé. J’entends votre problématique. Loin de moi le souhait de vous influencer. Je souhaitais comprendre : uniquement. Quelqu’un aurait pu vous aider ? »

ÉLISE

« En fait, j’y réfléchis et je me dis que je ne me suis, en fait, pas posée la question. Ce dossier était important et je tenais à le rendre moi-même à mon Directeur. Il m’avait été confié par mon binôme et vraiment c’était important que je m’en occupe moi-même. »

COACH

« Pourquoi il était important que vous vous en occupiez vous-même ? « 

ÉLISE

« Pour que mon Directeur voit qu’il dispose de l’ensemble des informations dans les délais et qu’il peut compter sur moi. »

Je prend le temps de la regarder avec beaucoup d’empathie… Un léger sourire accueillant et un léger hochement de tête… Et je laisse le temps… Je n’ai pas compté mais au moins une bonne minute…

ÉLISE

« Je veux montrer que je suis disponible quelque part… et que même si ma collègue est partie, moi je suis là. »

Elle me le confie en tremblant… et ajoute :

« Vous savez… en fait je suis énervée après moi. Car, quand ma collègue est partie, elle m’a laissée le dossier en me demandant d’avancer en son absence car il fallait le rendre rapidement mais je ne savais pas s’il fallait le rendre lundi ou plus tard. Je l’ai fait, c’est tout… »

COACH

« Que voulez-vous dire ? »

ÉLISE

« Je me rends vraiment compte qu’aucun délai ne m’avait été donné. Finalement, je me le suis fixée seule ce délai. En fait, je voulais l‘envoyer moi-même dans un délais que je m’étais fixé. »

COACH

« Comment pouvez-vous faire pour que cela ne se reproduise pas ? »

ÉLISE

« Je ne peux pas demander cela à ma collègue ou à mon Directeur… Cela ne se fait pas de demander « pour quand cela doit être traiter ? » Pour qui ils vont me prendre ? »

COACH

« C’est une bonne question… Pour qui pourraient-ils vous prendre ? »

ÉLISE

« Pour quelqu’un qui a envie de rentrer à la maison et qui a été malade. Ils pourraient penser que je fais une rechute ou je ne sais quoi… »

COACH

« Qu’est-ce qui vous fait dire cela ?

ÉLISE

« Je ne sais pas… En fait avec mon Binôme : nous sommes BINÔMES ! Elle part en week-end avec sa famille et me confie un dossier important. Elle n’a pas de mal à me le dire. Peut-être que je pourrais moi aussi demander les délais de rendu et indiquer la faisabilité ou non des restitutions. Avec recul, même aujourd’hui, je ne sais pas si vraiment il fallait le rendre pour lundi… finalement je ne le crois pas. J’ai travaillé tard et le week-end alors que ce n’était peut-être pas à rendre le lundi. Je me suis mise la pression toute seule. Oui, mon Directeur était content mais sans plus. C’est ça… c’est ce que je devrais faire… juste demander pour quand ce dossier est à rendre et informer si je suis en mesure de l’aider dans ce délai. »

COACH

« Élise, je vous propose de prendre notre machine à remonter dans le temps. Et si vous le voulez bien, dites-moi comment vous aimeriez avoir traversé cet évènement. »

Élise m’explique avec un sourire jusqu’aux oreilles qu’elle aurait demandé à sa collègue simplement pour quand était le rendu de ce dossier, qu’elle en aurait profiter pour demander à sa collègue où elle partait avec sa famille. Elle m’explique qu’elle aurait certainement travailler plus que prévu le vendredi soir pour rendre service et peut-être un peu le week-end, qu’elle aurait sollicité un coup de main d’une collaboratrice pour un diagnostic et pour la « frappe » du dossier ou éventuellement sur la base du volontariat. Elle ajoute qu’avec son mari ils se seraient promenés le week-end. Etc, etc…

COACH

« Je voulais revenir sur une phrase que vous m’avez citée il y a quelques instants. Vous m’avez dit « cela ne se fait pas de demander le délai de restitution d’un dossier ». Et vous avez ajouté « pour qui ILS vont me prendre ». Qui sont « ILS » ? »

ÉLISE

« Mon Directeur… Les membres du Co Dir (Comité de Direction) également… Je me met une énorme pression… Surtout depuis cet évènement, devant la porte de la salle de réunion.
J’ai eu tellement… Honte ! »

Je la laissais m’expliquer…

Elle me raconte alors la bouche tremblante que son Directeur, sur le pas de la porte d’une réunion de Co Dir, lui a demandé, une fois, de venir pour faire un point dans son bureau en fin d’après-midi à 17h et que cette fois-là, Élise s’était engagée à aller accompagner son fils à un rendez-vous médical important à 18h. Elle a donc informé son Directeur de son indisponibilité. Elle m’indique que son Directeur « le regard froid et en colère » lui a répondu, devant les membres du Co Dir, « je vois », sans rien ajouter et à détourné les talons.

Je lui demande quand s’est déroulée cette scène… Elle me confie que cela s’est passé, il y a un an et qu’elle n’en a jamais reparlé avec lui… Mais elle en garde un souvenir douloureux car elle m’indique être persuadée « l’avoir profondément déçu » passant ainsi pour une personne non impliquée et faisant passer sa famille au détriment de son travail.

COACH

« Comment avez-vous compris qu’il avait été déçu ? Plus précisément, comment l’a-t-il exprimé ? »

ÉLISE

J‘ai vu qu’il n’était pas content mais il ne m’a rien dit de cela… Je l’ai compris… J’ai vu son regard. Je me suis même dis que cela ne se faisait pas et qu’il semblait déçu. Qu’ils allaient tous m’en vouloir. Je n’en ai jamais reparlé avec lui…

Et d’ailleurs, vous savez quoi ? J’aurais dû lui en parler, j’aurais dû éclaircir ce point. Peur-être avait-il seulement passé une dure journée. Peut-être que son attitude était liée à autre chose. Je n’ai jamais su.

Cet évènement est arrivé quelques mois avant mon arrêt maladie. Vous pensez que mon Burn-Out est lié ? »

COACH

« Je ne suis pas en mesure de vous aiguiller dans cette réflexion mais je vous invite Élise à en parler à votre thérapeute. Cela peut-être un élément à ne pas négliger. »

ÉLISE

« Je lui en parlerai la semaine prochaine. »

J’ai, quelques instants plus tard, clôturé la séance et ai demandé à Élise « avec quoi elle repartait à l’issu de cette séance ». Élise m’a indiqué avoir évoqué des pistes de travail et d’ajustement, qu’elle n’avait jamais immaginées auparavant : pourtant des pistes qui lui semblaient si naturelles. J’avais effectivement trouvé qu’Élise « travaillait » bien. Elle menait sa propre réflexion et trouvais son propre chemin. Je lui proposais de voir maintenant, dans son cadre de travail, si ces nouvelles perspectives lui permettaient de se sentir moins « énervée » et moins « sous pression » afin qu’elle me fasse un retour « fidèle » et « honnête » lors de notre prochain rendez-vous.

Élise a suivi son Coaching jusqu’au bout.

D’autres séances nous ont permis, entre autre, de travailler sur le sentiment d’échec, mais aussi sur son rôle de Sauveur/Persécuteur/Victime, sur la notion de délégation et enfin nous avons achevé les séances sur ses relations professionnelles aux Hommes dans l’Entreprise et n’avons évidemment pu éviter une séance sur sa relation avec son père.

Cynthia Pedrosa, ni Fée, ni Magicienne

Coach Professionnelle, Accompagnatrice en VAE, Conseillère en Bilan, DRH

Facilitatrice en émergence de Compétences, Fondatrice de CBP SOCIAL CONSULT et CBP CE

Rédaction : Cynthia PEDROSA, Fondatrice CBP SOCIAL CONSULT
Mise en page : Florian Benabdelouhab, Community Manager

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